Joseph Zobel

Joseph ZOBEL © Passions Partagées. Tous droits réservés

Joseph ZOBEL © Passions Partagées. Tous droits réservés

Dates repères

1915 Naissance en Martinique
1946 Arrivée à Paris
Publication de Diab’-là
1947 Installation à Fontainebleau
1950 Publication de La Rue Cases-Nègres
1957 Installation au Sénégal
1974 Installation dans les Cévennes
2002 Publication de Le Soleil m’a dit… et Gertal et autres nouvelles
2006 Décès de Joseph ZOBEL
2011 Création de l’exposition itinérante par Passions Partagées
2012 Création d’un espace dédié à Joseph ZOBEL en Martinique (Rivière Pilote)
2015 Célébration du centenaire de sa naissance

De l’opinion de tous, Diab’-là ne pouvait être qu’un quimboiseur*. Ce qu’il réalisait dans ces terres ingrates ne pouvait ressortir que du sortilège. Mais un quimboiseur aimé comme un bon diable de légende, et que tout le monde admirait, félicitait et respectait ; car, convenait-on, il était entièrement à ses affaires, et bon avec tout le monde.
Joseph ZOBEL, Diab’-là, Nouvelles Éditions Latines, 1946

*Quimboiseur : Magicien, sorcier

Exposition Joseph ZOBEL © Passions Partagées

Exposition Joseph ZOBEL © Passions Partagées

Joseph ZOBEL vu par…

Comme de nombreux fils de paysans français de l’époque, c’est à l’Ecole de la République, à ses maîtres dévoués, à son système de bourses et de prêts d’honneur que je dois mes études universitaires et, comme de nombreux petits Antillais, c’est au courage de ma mère que je dois d’avoir pu accéder à cette école. Mon parcours est celui de centaines de gamins antillais, magnifiquement décrit dans La Rue Cases-Nègres de Joseph Zobel et porté à l’écran non moins magnifiquement par Euzhan Palcy. Ce sont ces parcours qui ont permis l’émergence, tout au long du XXe siècle, d’une classe moyenne antillaise de fonctionnaires et de professions libérales.

Victorin LUREL (ministre des Outre-mer 2012/avril 2014), Lettre ouverte à mes compatriotes de l’Hexagone, Armand Colin, 2012

Sandrino tomba sur un trésor. La Rue Cases-Nègres de Joseph Zobel. C’était la Martinique. […] J’emportai La Rue Cases-Nègres et m’enfermai avec José Hassam. Ceux qui n’ont pas lu La Rue Cases-Nègres ont peut-être vu le film qu’Euzhan Palcy en a tiré. C’est l’histoire d’un de ces « petits-nègres » que mes parents redoutaient tellement, qui grandit sur une plantation de canne à sucre dans les affres de la faim et des privations. […] D’un seul coup tombait sur mes épaules le poids de l’esclavage, de la Traite, de l’oppression coloniale, de l’exploitation de l’homme par l’homme, des préjugés de couleur dont personne, à part quelquefois Sandrino, ne me parlait jamais. […]
Aujourd’hui tout me porte à croire que ce que j’ai appelé plus tard un peu pompeusement « mon engagement politique » est né de ce moment-là, de mon identification forcée au malheureux José. La lecture de Joseph Zobel, plus que des discours théoriques, m’a ouvert les yeux.

Maryse CONDE, Le Cœur à rire et à pleurer, Robert Laffont, 1999

Claude McKay est un des pères du roman réaliste négro-américain anglophone avec Banjo en 1929 et Home to Harlem en 1928. Toute la vie d’errance d’un continent à l’autre de cet écrivain jamaïcain, né en 1890 et mort en 1948, symbolise à elle seule les rêves de recréation intime, le souci de témoignage libre et précis et les projets d’exil et d’ouverture à l’ailleurs de tous les romanciers qui l’ont suivi, aussi bien les Américains Richard Wright et Chester Himes que le Martiniquais Joseph Zobel, le Sénégalais Sembène Ousmane et la famille nombreuse des romanciers caribéens anglophones de l’après-guerre.

Daniel MAXIMIN, Les fruits du cyclone. Une géopoétique de la Caraïbe, Seuil, 2006

L’écriture de Zobel parle au cœur et aux sens. Quand Zobel écrit, il décrit, il peint. C’est simple, précis, merveilleux et enrobé d’humour.
La puissance poétique de son œuvre, sa singularité, sa beauté et sa pureté, en font un chant poignant, sensuel mais pudique, frais comme un bouquet de fleurs sauvages. L’expression Zobélienne vous pénètre et vous fait chavirer. Elle vous transporte pour vous faire saisir le «tout monde» en même temps qu’elle vous installe au cœur de vous-même sans jamais vous quitter. Aimé Césaire, lecteur assidu du journal « Le sportif » dans lequel le jeune Zobel écrivait des contes et des nouvelles, a été le premier à déceler ces qualités exceptionnelles d’écrivain. C’est lui qui l’encouragera à écrire son premier roman qui sera « Diab’-la ».
Sa grand mère Man Tine était l’archétype de la femme martiniquaise et l’a élevé dans l’amour du monde rural, de l’effort, de l’authenticité, de l’intégrité. […]
Si la réalisation de « Rue Cases Nègres » me procura une double satisfaction : le succès international du film et le fait qu’il m’ait permis de faire découvrir au monde un immense écrivain Antillais, mon vœu le plus cher est que nos jeunes d’aujourd’hui et de demain, quand ils recherchent la Martinique authentique, les valeurs éternelles ou tout simplement l’humain, se plongent avec curiosité dans cette œuvre testamentaire que nous a léguée ZOBEL et qu’ils se l’approprient avec force fierté.

Euzhan PALCY, Texte inédit rédigé pour l’exposition. Paris le 5/9/2011

Biographie

Joseph Zobel, l’un des « piliers » de la littérature antillaise, est né à Rivière-Salée, dans le Sud de la Martinique, le 26 avril 1915.

Issu d’une famille très modeste, il est élevé par sa grand-mère Man Tine, ouvrière agricole à laquelle il rend hommage dans son roman La Rue Cases-Nègres. Pour poursuivre ses études, il rejoint sa mère à Fort-de-France et franchit grâce à ses sacrifices toutes les étapes d’un parcours scolaire brillant, jusqu’au baccalauréat. Un premier emploi au service des Ponts et Chaussées lui permet de vivre dans les villages du Diamant et du Saint-Esprit, puis il entre comme aspirant répétiteur au Lycée Schœlcher (pour devenir maître d’externat). La Seconde Guerre Mondiale, isolant la Martinique de la France, le conduit à renoncer à ses projets d’études d’architecture en France. Ses aspirations artistiques débouchent sur l’écriture de quelques nouvelles dans lesquelles il décrit la vie du monde rural martiniquais. Un ami professeur de gymnastique porte ses textes au journal Le Sportif, feuille de chou habituellement consacrée à la publication des comptes-rendus de rencontres sportives. Les lecteurs du Sportif s’enthousiasment pour ces textes (publiés plus tard dans le recueil Laghia de la mort) qui retranscrivent les réalités martiniquaises. Parmi ses lecteurs, Aimé Césaire, engagé dans l’aventure de la revue Tropiques, encourage Joseph Zobel à écrire un roman. Ce sera Diab’-la, l’histoire d’un paysan qui décide de conquérir sa liberté par le travail de la terre, auprès d’une communauté de pêcheurs dont il partage la vie. Le thème du roman, pas plus que l’auteur, qui fustige l’ordre colonial, ne plaisent guère à la censure, qui «devrait délivrer des autorisations d’impression pour la moindre étiquette de bouteille de liqueur», selon Zobel. Le roman ne sera publié qu’en 1946.

Le ralliement de la Martinique à la France Libre, en 1943, marque la fin du règne répressif de l’Amiral Robert, envoyé du gouvernement de Vichy. Joseph Zobel rencontre alors le gouverneur Ponton, envoyé par le Général de Gaulle et la France Libre. Homme de culture, (c’est chez lui que Joseph Zobel rencontre Louis Jouvet, de retour de son exil aux Etats-Unis), il recrute le jeune écrivain comme attaché de presse du gouverneur, responsable de deux publications: la revue Antilla et l’hebdomadaire culturel La Semaine Martiniquaise. Après le décès du gouverneur Ponton, dont le remplaçant n’accorde pas d’intérêt aux questions culturelles, Joseph Zobel retourne au Lycée Schœlcher comme secrétaire du proviseur. Profitant d’un congé administratif, il rejoint Paris pour y reprendre ses études en 1946. Suivant des cours de littérature, d’art dramatique et d’ethnologie à la Sorbonne, Joseph Zobel est en même temps professeur adjoint au Lycée François Ier de Fontainebleau, ville où il s’installe avec son épouse et ses trois enfants en 1947. C’est à cette époque qu’il découvre la France rurale et en particulier le Gard.

Publié pour la première fois en 1950, son roman La Rue Cases-Nègres reçoit le Prix des lecteurs, décerné par un jury de 1000 lecteurs de La Gazette des Lecteurs. Le roman connaît un grand succès, renforcé trente ans plus tard quand la réalisatrice Euzhan Palcy en tirera un film du même nom (qui obtient le Lion d’Argent à la Mostra de Venise en 1983).

En 1957, porté par son désir de connaître l’Afrique, Joseph Zobel profite de ses nombreuses relations parmi les Sénégalais de Paris (dont Léopold Sédar Senghor) et part au Sénégal dans le cadre des dispositifs mis en place par la loi-cadre. Le Ministre sénégalais de l’Éducation, Amadou Matar M’bow, le recrute comme directeur du collège de Ziguinchor (actuellement Lycée Djignabo) en Casamance. Il revient quelques mois plus tard sur Dakar comme surveillant général du lycée Van Vollen et devient quelques années plus tard producteur d’émissions éducatives et culturelles à la Radio du Sénégal, dont il crée le service culturel. Les émissions de Joseph Zobel seront écoutées dans toute l’Afrique Occidentale Francophone. Quelques anecdotes de sa vie dakaroise sont relatées dans les recueils Mas Badara (1983) et Et si la mer n’était pas bleue (1982).

Installé en France depuis sa retraite en 1974 près du village d’Anduze (département du Gard), Monsieur Zobel poursuit son travail d’écriture dans un paysage qui n’est pas sans rappeler les mornes du Sud de la Martinique. Il pratique en maître l’art floral japonais et le dessin.

En plus de Rue Cases-Nègres, Zobel raconte la vie de la Martinique rurale dans ses romans Diab’-là, Les Jours immobiles et Les Mains pleines d’oiseaux (réécrit en 1978 pour un public plus large) ainsi que dans les recueils de nouvelles Laghia de la mort et Et si la mer n’était pas bleue. En mars 2002, Zobel publie Gertal et autres nouvelles, un recueil de nouvelles suivies d’extraits de son journal (1946 à 2002).

Poète depuis de longues années, Joseph Zobel publie plusieurs recueils de poésie à compte d’auteur, dont Poèmes de moi-même (1984). Publié en 1994, Poèmes d’Amour et de Silence réunit des extraits d’un journal, des poèmes et des dessins qui en font un très beau livre d’art. En 2002, l’auteur publie chez Ibis Rouge Le soleil m’a dit…, un ouvrage rassemblant une partie de son œuvre poétique.

Par ailleurs, en avril 2000, le lycée Thoraille à Rivière-Salée (97215 Martinique) a été rebaptisé le Lycée Joseph Zobel, en l’honneur de l’écrivain. Et le Salon du Livre Insulaire d’Ouessant a décerné son Grand Prix à Joseph Zobel, pour l’ensemble de son œuvre, en août 2002.

Joseph Zobel meurt le 17 juin 2006 à Alès, dans le Gard (France). Voir (l’adresse dans les liens ci-dessous) le site dédié à Joseph Zobel, créé par Alfred Largange, avec des hommages à l’homme de lettres martiniquais.

Alfred Largange

Prix et distinctions littéraires :

1998 Chevalier de la Légion d’honneur.
2002 Grand Prix du Salon du Livre Insulaire d’Ouessant, pour l’ensemble de son œuvre

Bibliographie

ROMANS

Les Jours immobiles – Fort-de-France: Imprimerie officielle, 1946. (Repris et publié sous le titre, Les Mains pleines d’oiseaux. Paris: Nouvelles Éditions Latines, 1978).
Diab’-là – Paris: Nouvelles Éditions Latines, 1946. Réédité.
La Rue Case-Nègres – Paris: J. Froissart, 1950; Paris: Les Quatre Jeudis, 1955; Paris: Présence Africaine, 1974. Réédité. Prix des Lecteurs 1950
La Fête à Paris – Paris: La Table Ronde, 1953. (Repris et publié sous le titre, Quand la neige aura fondu. Éditions Caribéennes, 1979). Epuisé.

NOUVELLES

Laghia de la mort – Paris: Présence Africaine, 1978, Réédité.
Le Soleil partagé – Paris: Présence Africaine, 1964. Réédité.
Mas Badara – Paris: Nouvelles Éditions Latines, 1983.
Et si la mer n’était pas bleue – Paris: Éditions Caribéennes, 1982.
Gertal et autres nouvelles, suivi de Journal, 1946-2002 – Matoury : Ibis Rouge Editions, 2002, réédité en 2012

Joseph ZOBEL, Le soleil m’a dit © Ibis Rouge Editions

Joseph ZOBEL, Le soleil m’a dit © Ibis Rouge Editions

POESIE

Incantation pour un retour au pays natal – Anduze (Gard): Imprimerie du Languedoc, 1964.
Poèmes de moi-même – Chez l’auteur, Imprimerie DESORMEAUX, Martinique, 1984.
D’Amour et de Silence – Fréjus: Librairie Prosveta, 1994.
(Livre d’Art mêlant poèmes, aquarelles et extraits du journal de Joseph ZOBEL)
Le Soleil m’a dit – Œuvre poétique. Matoury : Ibis Rouge Editions, 2002, réédité en 2012.

Sur l’œuvre de Joseph ZOBEL

Ebrahim, Haseenah. Sugar Cane Alley: Re-Reading Race, Class and Identity in Zobel’s La Rue Cases-Nègres. Literature/Film Quarterly 30.2 (2002): 146-52.
Herndon, Gerise. Auto-Ethnographic Impulse in Rue Cases-Nègres. Literature/Film Quarterly 24.3 (1996): 261-66.
Hezekiah, Randolph. Joseph Zobel: The Mechanics of Liberation. Black Images 4.3-4 (1975): 44-55.
Julien, Eileen. La Métamorphose du réel dans La Rue Cases-Nègres. The French Review 60.6 (May 1987): 781-787.

José Le Moigne, Joseph Zobel, le cœur en Martinique et les pieds en Cévennes © Ibis Rouge Editions

José Le Moigne, Joseph Zobel, le cœur en Martinique et les pieds en Cévennes © Ibis Rouge Editions

Kandé, Sylvie. Renunciation and Victory in Black Shack Alley. Research in African Literatures 25.2 (Summer 1994): 33-50; Renoncements et victoires dans La Rue Cases-Nègres de Joseph Zobel. Revue Francophone 9.2 (Autumn 1994): 5-23.
Kezadri, Kamel et Olivier Codol. Joseph Zobel: D’amour et de silence, film de 52 minutes. Mona Lisa Production / RFO, 1998.
Le Moigne, José, Joseph Zobel, le cœur en Martinique et les pieds en Cévennes, Ibis Rouge, 2008.
Warner, Keith Q. Emasculation on the Plantation: A Reading of Joseph Zobel’s La Rue Cases-Nègres. College Language Association Journal 32.1 (September 1988): 38-44.
Wylie, Hal. Joseph Zobel’s Use of Negritude and Social Realism. World Literature Today 56.1 (Winter 1982): 61-64.

Plus d’information

Site Ile en Ile : écrivains du monde insulaire francophone
Site hommage à Joseph Zobel

Téléchargez l’article de Jenny Zobel et Emily Marshall